Au temps qui passe et qui détruit, au temps perdu, s’oppose ici, dans ce travail de porcelaine, un temps retrouvé qui, au hasard d’effacements heureux, de corrosions et de surimpressions troublantes, de palimpsestes dévoilés, se fait révélateur de beauté. Cette beauté si profonde et particulière issue de l’usure des choses, de la fatigue de la matière, cette beauté qui ne craint pas l’âge, mais le revendique.
Avec en filigrane les six tapisseries de La Dame à la licorne, ce sont six portraits de courtisanes exécutés par Kitagawa Utamaro au tournant des XVIIIe et XIXe siècles qui sont la base de ces variations en forme de fresques autour des cinq sens et du désir, ce potentiel sixième sens, qui les englobe tous.
L’évocation de l’éphémère, de la fragilité des existences est au centre de ces jeux d’ombres, de ces entrecroisements de couleurs vibrantes, dévoilant des nuques fragiles, des mains à demi effacées, des visages intemporels et évanescents…
Exem
Technique
Ce travail est le fruit d’une « cuisine » personnelle, entamée depuis une quinzaine d’année. Cette technique part en premier lieu d’images retravaillées sur ordinateur, qui sont ensuite transformées en écrans de sérigraphie. Dans le travail qui est l’objet de cette exposition, j’utilise la technique du monotype, en imprimant des plaques de plâtres avec des colorants et des oxydes métalliques. Ensuite, je coule de la porcelaine liquide sur le plâtre fraîchement imprimé, pour en capter la trace. Il en résulte de fines plaques de porcelaine, qui auront effacé en partie l’impression de l’image sur le plâtre. Le plâtre est ainsi réimprimé à plusieurs reprises, soit avec une autre couleur soit avec d’autres images ou de simples traces de pinceau. L’opération se répète en cadrant et en coulant de la porcelaine sur certaines parties du plâtre offrant encore des fragments d’images à capter, fragments qui s’effacent petit à petit.
Mireille Excoffier
