Après des années de création d’objets en céramique, mon atelier regorge de petits pots d’essais de couleurs, de restes de terres, d’engobes, d’émaux et de divers fonds de bidons. Ils s’accumulent au fil des expériences et finissent par envahir l’espace et l’esprit. D’où cette question qui commence à me tarauder : que faire de tous ces restes ? Faut-il les jeter et repartir sur de nouvelles bases ? Plus facile à dire qu’à faire ! Chaque pot évoque pour moi une ambiance, un type de recherche. Il me rappelle l’enthousiasme ressenti avant un nouveau projet, l’euphorie parfois. Mais également les ratés, les tâtonnements avant de trouver une solution.
Finalement, je renonce à faire table rase des travaux passés, préférant m’appuyer sur le vécu de l’atelier. Je décide alors de vider petit à petit mes innombrables pots dans un grand récipient, créant ainsi une drôle de matière qui n’est ni une argile, ni un émail. Il me suffit ensuite d’ajouter un peu d’eau pour diluer la masse, la faire sécher sur du plâtre et en tirer des plaques. Ce mélange hétéroclite, assemblé tant bien que mal, me sert à construire des objets.
L’art d’accommoder les restes se pratique en cuisine. Or la céramique s’apparente parfois à la cuisine : pas de grands discours, mais un amour du faire (ou du savoir-faire ?) avec ce qui est à disposition. À l’heure où tout se jette, je démontre ici que rien ne se perd, tout se transforme.
Quand on est céramiste, la matière est notre pâte et l’œil notre miroir.
Lors de mes pérégrinations, mon œil est accroché par les matières et les couleurs qu’il rencontre. En résultent des photos qui font échos aux surfaces de mes pièces.
Sonja Décaillet